Inné, Acquis, Essentialisme

Alors il y a des travaux en psychologie pour savoir à quel point on est "précablé" pour repérer les régularités. En tout cas, je constate, et pas mal de gens ont constaté que les gens ont l'air d'aimer régularité et de prêter plus attention aux régularités qu'aux exceptions. Et au point d'aimer tellement plus les régularités que les exceptions que, et bien soit, on va essayer de les éliminer par la pensée, soit on peut aller jusqu'à vouloir les éliminer physiquement, c'est-à-dire faire en sorte que ça n'existe pas, parce que c'est insupportable de trouver des exceptions à nos règles et donc à l'essence des choses. Donc depuis Darwin, normalement, il ne devrait plus y avoir aucun rapport entre l'essentialisme et la biologie. Et ça, c'est exactement la même chose que l’on parle de caractéristiques physiques ou de caractéristiques psychologiques, comportementales. Le fait de constater que quelque chose est d'origine biologique ne devrait pas du tout avoir le moindre rapport avec le fait de se dire que c'est l'essence des choses, c'est la nature des choses et ce qui fait exception du coup n'est pas naturel, c'est une malformation, c'est une erreur, il faudrait la corriger. Que la biologie soit importante ou pas pour les comportements, ce ne sera jamais la preuve des essences et donc jamais la preuve que les exceptions sont des erreurs. C'est nous qui choisissons donc dans tout ce que la nature produit ce que l'on va considérer comme étant des choses que l'on doit éliminer, des choses que l'on doit favoriser, des choses que l'on doit modifier, des choses que l’on doit laisser telles quelles, et ça aussi bien dans ce que la nature produit régulièrement qu’exceptionnellement. Et en fait et bien, c'est nous qui sommes obligés de choisir un but parce que la nature n'a pas de but. C'est donc absolument vain de chercher dans les régularités biologiques observables des justifications pour nos choix de société. Et l'autre chose, à part Darwin, qui devrait avoir bouleversé le lien fait automatiquement entre l'essentialisme et la biologie, c'est l'apparition des sciences humaines. Parce que les sciences humaines, ce qu'elles nous disent, c'est que finalement, contrairement à ce que pensait Descartes, l'esprit aussi obéit à des lois. Il y a des lois scientifiques qui modèlent les esprits. Et, je vous le rappelle, c'est parce que si on pensait que l'essence était liée à la biologie et pas à l'esprit, c'était parce qu'on pensait que l'esprit n'obéissait pas à des lois. Donc c'est le hasard de l'histoire qui a lié l'essentialisme à la biologie : c'est le fait que notre pensée soit passée par Platon, par le néoplatonisme, par Saint-Augustin, par Descartes et tout ça. Mais les lois de la culture sont tout aussi naturelles