Memento - Les EMI

Nº 439 Ř MARS 2010 | La Recherche Ř 43 vu une réponse. Donc, pour moi, elle était encore consciente, et il fallait continuer à l’alimenter et à l’aider à respirer.Maintenant elle vit chez elle et communique avec des mouvements du pied. Ce système portable change-t-il votre approche de la conscience ? S.L.: Oui,d’unecertainemanière.Celasignifieque la conscience peut se détecter par une réponse du cerveauà lacommande.Cependant,il faut répéter les tests aumoins cinq fois à différents moments de la journée pour être sûr de ne pas se tromper. Et cela changenotre comportement face à des cas très graves comme celui de cette jeune fille. Les gens en état de conscience minimale enre- gistrent-ils de nouveaux souvenirs ? S.L.: On ne le sait pas. Car la conscience et la mémoire ne sont pas la même chose. Mais je pense que la plupart des gens en état de conscience minimale n’enregistrent pas de sou- venirs car la continuité de leur vécu subjectif est rompue puisque leur conscience ne fonctionne souvent que par intermittence. Et lorsqu’on dort ? S.L.: Il y a plusieurs phases dans le sommeil. Je suis convaincu que, quand on dort en sommeil lent,onperd la consciencede sonenvironnement, de même que sous anesthésie (lire «Comment l’anesthésie éteint-elle la conscience ?» p. 44). En revanche en sommeil paradoxal, il y a un vécu subjectif qui est réelmais très particulier,dont on peut garder des souvenirs conscients au réveil. Comment faites-vous aujourd’hui, dans votre centre de Liège, pour détecter le niveau de conscience après un coma? S.L.: Nousdisposonsde toutunarsenal demoyens techniques et humains pour évaluer les coma- teux et les post-comateux. Nous accueillons donc ici des gens qui viennent de toute l’Europe parce que leur famille veut savoir où ils en sont. Pendant une semaine,ils subissent des tests et des examens afin de détecter le moin- dre signe de conscience. Par exemple, on teste la poursuite visuelle avec un miroir que l’on déplace de quelques degrés pour voir si la personne suit ou non du regard, on teste la réponse à la douleur, au prénom, etc. Puis il y a l’imagerie cérébrale dont nous avons déjà parlé. Et nous faisons aussi des essais pharmacologiques. Nous passons ensuite une semaine à interpréter les résultats afin de délivrer un nouveau diagnostic et un pronostic le plus objectif possible. Des essais pharmacologiques de quelle nature? S.L.: Nous avons découvert fortuitement en2006 qu’une benzodiazépine (le Zolpidemcommercia- lisé sous le nomde Stilnox), donnée à un patient en état de conscience minimale pour le calmer avant un examen, pouvait avoir un effet «mira- cle» : la personne s’est remise soudain à parler, à répondre à des questions, à marcher. L’effet est maximal une demi-heure après l’adminis- tration du médicament et ne dure que quelques heures. Mais cela ne marche que pour certaines personnes en état de conscienceminimale et on ne comprend pas encore pourquoi. Finalement, si à l’issue de vos tests, vous éta- blissez qu’il y avait une erreur de diagnostic, qu’est-ce que cela change au traitement ? S.L.: Cela devrait tout changer. Après un coma, si les gens se réveillent et restent en état végétatif, audébut on les aide à respirer avec un respirateur artificiel et on lesnourrit artificiellement avecune sonde dans l’estomac. Mais si l’état se prolonge sans espoir de récupération, souvent on arrête le traitement et on laisse les gensmourir de déshy- dratation, car on a de bonnes raisons de penser qu’ils ne souffrent pas dans cet état.Au contraire s’ils sont diagnostiqués en conscienceminimale, il faudrait s’occuper d’eux dans des centres de rééducation spécialisés et les protéger contre la souffrance. Le problème, c’est qu’aujourd’hui, on manque de centres de cette nature. Propos recueillis par Marie-Laure Théodule N Diagnostiqué à tort en état végétatif après un très long coma, le Belge RomHouben s’est révélé parfaitement conscient et réussit à communiquer en utilisant un clavier tactile. © STRINGER NEW/REUTERS Document original : ICI

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