La Mécanique Quantique pour les Non Physiciens
V La non-localit´e malaise que je ressens vient de ce que les corr´elations quantiques parfaites qui sont ob- serv´ees semblent exiger une sorte d’hypoth`ese ‘g´en´etique’ (des jumeaux identiques, qui ont des g`enes identiques). Pour moi, il est si raisonnable de supposer que les photons dans ces exp´eriences emportent avec eux des programmes, qui sont corr´el´es `a l’avance, et qui dictent leur comportement 32 . Ceci est si rationnel que je pense que quand Einstein a vu cela et que les autres refusaient de le voir, il ´etait l’homme rationnel. Les autres, bien que l’histoire leur ait donn´e raison, se cachaient la tˆete dans le sable. Je pense que la sup´eriorit´e intellectuelle d’Einstein sur Bohr, dans ce cas-ci, ´etait ´enorme ; un immense ´ecart entre celui qui voyait clairement ce qui ´etait n´ecessaire, et l’obscurantiste. Aussi, pour moi, il est dommage que l’id´ee d’Einstein ne marche pas. Ce qui est raisonnable ne marche simplement pas » . ([8], p. 84). Il faut souligner que Bell est encore trop gentil : l’histoire n’a pas simplement donn´e raison aux adversaires d’Einstein. Ceux-ci ne voyaient pas clairement la non-localit´e pr´esente dans la nature : que « nous ne puissions pas ´eviter le fait que l’intervention d’un cˆot´e ait une influence causale de l’autre » ([7], p. 150) n’est devenu clair qu’avec le r´esultat de Bell. Il est difficile d’exprimer combien cette notion d’action `a distance fait horreur `a certains physiciens : Newton 33 ´ecrivait « qu’un corps puisse agir sur un autre `a distance, `a travers le vide et sans la m´ediation de quelqu’autre corps ... me paraˆıt ˆetre une telle absurdit´e que je pense qu’aucune personne poss´edant la facult´e de raisonner dans des questions philosophiques ne pourra jamais y croire » 34 et Einstein, parlant de la situation d´ecrite dans l’article EPR disait « Ce qui existe r´eellement en un point B ne devrait pas d´ependre du type de mesure qui est faite en un autre point A de l’espace. Cela devrait ´egalement ˆetre ind´ependant du fait que l’on mesure ou non quelque chose en A » ([14], cit´e dans [55], p. 121). 32 Ces « programmes » sont l’analogue des variables cach´ees v ( α ) dont l’existence, dans le cas des jumeaux, comme dans celle des photons, permettrait d’expliquer les corr´elations parfaites sans introduire d’actions `a distance. 33 Qui avait introduit lui-mˆeme une forme d’action `a distance, tr`es diff´erente n´eanmoins de celle r´ev´el´ee par Bell. 34 Lettre `a Bentley, 25 f´evrier 1692, [57], Vol 3, p. 253-254, cit´e dans dans [51], p.289 et dans [45], p. 213. 28
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